le coeur serré "la police charge et gaze la manifestation de soutien aux kurdes dont les locaux ont été attaquée hier" (lyon) dans ma tête un visage: monsieur d. une collègue s'étonne "c'est la seule personne que tu appelles par son nom de famille" lors de ma première séance de supervision, je parle de monsieur d. en france depuis une dizaine d'année, dans une errance post-traumatique; trop confus au départ pour obtenir une demande d'asile et maintenant la crainte d'une oqtf - on a fait une synthèse avec son psy, son assistante sociale de l'accueil de jour, l'intervenante sociale de la structure d'hébergement, un camarade à lui pour l'interprétariat (sa souffrance mentale l'empêche depuis tout ce temps à faire de la place pour apprendre le français), un bénévole de la ldh ce dernier propose de faire une demande de titre de séjour soit à mission humanitaire, soit pour les 10 ans de présence sur le territoire; mais il n'a pas de passeport, il faudrait qu'il aille au consulat turque en récupérer un ce n'est pas une option: il s'est enfui de prison, se croit considéré mort là-bas; la terreur de la police turque se lit dans tout son corps recroquevillé dans des coins de la gare quand nous le rencontrons en maraude. depuis quelques mois il a une chambre dans un grand immeuble, collectif pour sdf - il y dort très peu, le bruit, les autres, les cauchemars l'empêchent de se reposer malgré son sac de médicaments on a pris l'habitude de parfois dialoguer avec une application de traduction dans une salle d'attente de la gare, il raconte qu'il se sent toujours en prison, on parle de l'angoisse, de la colère, du deuil, on tente de baliser sa détresse en lui imprimant par exemple un texte de loi sur le droits des étrangers lorsqu'il craint être arrêté par la police française suite à des faits divers entendus dans radio-rue. il explique qu'il ne sera jamais libre tant que le kurdistan ne le sera pas. peu avant ma semaine de congés payés puis mon arrêt de travail, ce sentiment désagréable de ne plus pouvoir accueillir la parole des autres, une incapacité à porter/supporter ce dont la maraude transmet de témoignages; ainsi un soir, j'ai évité la gare pour ne pas voir monsieur d. j'explique bien à mes collègues que la maraude n'est pas le lieu de la recherche de solution, qu'il y a d'autres entités pour cela et que cette offre d'autre chose décale les possibilités de rencontre et de relation. /or avec monsieur d., je cherche une solution, des pistes pour répondre à sa demande d'avoir un endroit calme où dormir, je me laisse prendre par cet écueil - la détresse mange tout. je parle de tout ça dans ce bureau sympathique du psy-superviseur : "peut-être que vous souhaitez que ce monsieur se repose pour pouvoir vous reposer aussi"; et que se passe-t-il si monsieur d. se repose ? /je disais aussi à mes collègues souvent que la maraude c'est une posture confortable car sans la médiation des démarches administratives, nous rencontrons bien moins de colère; quand en réunion on décrit quelqu'un d'agressif dans un bureau il arrive souvent que nous papotons tranquillement avec lui dans la rue autour d'un café c'est une posture confortable peut-être dans ce sens, mais sans la médiation des démarches administratives, il y a la vulnérabilité des travailleur-euse-s; la mienne à fleur de peau par l'épuisement et je repense à un de ces premiers écrits que j'ai lu quand j'ai commencé ce travail, qu'il faudrait que je relise aujourd'hui sans doute avec des visages-échos, sur l'hébergement dans la relation (et puis, comment on héberge les morts ? f*, j*)