maj↴

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ok,

écrire- raconter la maraude de ce soir d'une manière ou d'une autre

une fenêtre, seulement une fenêtre.

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tentons un autre rythme, avec des grands soupirs

dans la forêt avec gaspard* et pedro* après avoir partager une pizza au jardin des senteurs;

quel métier étrange

je pense à joseph ponthus et à son écriture juste de ces amitiés professionnelles, liminaires (à la lisière - sur le seuil)

objectif? réfléchir aux choses que je voudrais écrire, prendre le temps de divaguer dessus et de questionner la volonté d'en parler, tenter des parties, une analyse des idées, quelles illustrations choisir, un sommaire et une hypothèse entourée de poésie (peut-être).

en ce moment je rêve de:

une cabanne dans les bois, des chips et du jus de pomme, avec mon pc et des livres et des carnets.

ou alors une balade à vélo ; à la manière de mes étés à parcourir le gr34 avec mon sac à dos et mes appareils photos.

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je n'ai plus envie d'écrire les jours, les heures,

il ya 2 minutes d'écart!

et j'ai toujours mal sciatiquement aïe:grimace:

et ce soir (lendemain de la forêt) gaspard qui se réveille sur un banc dans le froid en répétant *je suis en perdition* sans nous regarder; puis je lui propose un café (lui fait entendre ma voix), alors il lève ses yeux et nous reconnaît.

il y'a ce temps de silence doux, où je dépose le sac à dos par terre et où je sors un gobelet, je mets une dosette de café, deux dosettes de sucres, une touillette, de l'eau chaude (mais pas bouillante)

et je tends le café à la personne,

c'est bon, ok, qu'est ce qui se passe ?

ses mains occupées à touiller le café, on se pose et on discute.

non: il aperçoit au loin une silhouette et va pour lui casser la gueule *tu m'as mal parlé t'as dit quoi là*, pour de vrai *si je passe pas la nuit en gardav' ce sera bizarre*

(et avant hier la blague de ce baqueux qui fait le zonard avec son talkie-walkie, quel énorme connard)

il revient l'air de rien

reprends dans ses mains le café mis de côté et me montre son prochain rdv: une visite à domicile!

il a un appartement depuis une semaine

quiet volcano @slowpress · 16h
j'aimerai réussir à écrire sur: mon boulot, comment mes outils cliniques tentent d'être ancrés politiquement (à moindre échelle)
à quel point on fait du travail social palliatif et pourquoi on tient malgré tout

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combien de personnes, pensez-vous, comprennent / ont connu / savent pourquoi, lorsqu'un·e """SDF""" obtient un logement, iel n'y dort pas forcément ?
combien se rendent compte qu'un appartement n'abrite pas une personne qui a vécu les atrocités du capitalisme ?

une des violences que je perçois au boulot, c'est quand, assise à côté une personne faisant la manche, j'observe en silence, les passant·es odieux·ses ; un dédain mortifère.

je vous ai raconté la fois où on discutait avec un jeune baroudeur, à peine 30 ans ? il venait d'arriver dans la ville,
(maintenant je demande pourquoi les gens débarquent ici en particulier et pas ailleurs): car le nom l'a fait marré. Il a hâte de trouver un endroit où pieuter avec son chien, pour commencer à bosser ; il bosse en cuisine, a un bon contact avec les gens, comme avec nous il a la tchatche, à un moment il y a un très très vieux monsieur qui vient le voir et lui tend un billet de 5 euros, puis s'excuse car ce ne sera pas facile à partager entre nous :) et les deux se mettent à prendre des nouvelles, Marco* est là depuis 3 jours et remarque le passage chez le coiffeur du grand-père qui sent la solitude et l'oubli.
il se livre assez facilement sur ses soucis avec des consos de drogues dures, que c'est une des raisons pour lesquelles il est sur la route régulièrement

nous sommes assis sur le parvis d'un immeuble et un habitant rentre chez lui, tout à fait mécontent de voir un clochard sur le pas de sa porte; il lui gueule dessus de dégager fissa sinon il appelle les flics et vous vous avez rien d'autre à faire de mieux que de traîner avec ce genre de merde ?
sa bonne-femme ne dit absolument rien.

Marco reste ultra poli, et nous dit ensuite être triste pour ce monsieur. La politesse de Marco, son pétard à la main, est touchante ~ mais son corps, sa gestuel, son regard qui s'assombrit laisse présager que la soirée sera maintenant compliquée.
Il ramasse son duvet, les croquettes du chien, range son bouquin ; son intuition est bonne, l'affreux habitant redescent en trombe, une bassine d'eau à la main et la lance sur le parvis.

Ma collègue et moi, choquées, sidérées de tant de haine débile et à revoir la scène en se demandant si on aurait pu bloquer le connard ; Marco, désolé mais toujours souriant, nous souhaite une bonne soirée.

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hier soir en rentrant de maraude, on a bu des bières avec q. sur la terrasse des voisins et la lumière de la nuit qui tombe était très jolie.

on a causé de cet écart entre ce dont je suis témoin dans la rue et son mode de vie, comment on trouve l'équilibre, comment lui prête de l'attention dans les interactions marchandes et il m'a raconté la vie du fromager, parti dans les vosges voir un chaman pour arrêter de fumer; q. c'est le genre de mec qui retourne voir la buraliste pour dire bonjour même s'il a arrêté de fumer. c'est dans les interstices lui aussi, celles des conventions sociales, qu'il arrive à se glisser, à être confortable, pour décaler, apporter des échanges qui diffèrent.
je lui disais que tout ça, c'était de la *praxis* politique, qu'ok tout brûle et c'est désespérant et que le militantisme ne s'accorde pas vraiment à ce que nous deux on est capable de supporter/faire dans des groupes
une des perspectives de ma posture au monde, c'est de redonner foi en l'humanité quelque part.

la question qui m'anime en ce moment au boulot c'est: pourquoi je suis payée pour faire ça, et comment les gens qu'on accompagne vivent le fait que les quasi seules personnes qui leur apportent soutien & cie sont payées pour.

la question elle vient de:
- la présence d'un pair-aidant qui a une démarche style "faire copain-copain" avec les gens, et on n'a pas encore discuté ensemble de comment il considère son statut de salarié;
- les rencontres dans un foyer d'hébergement d'urgence avec un gamin de 20 ans qui sort de l'aide sociale à l'enfance et qui n'a connu de l'amour que de la part d'éducs et qui cherche à comprendre mécaniquement les ressorts de ce travail, de nouveau auprès d'éducs qui n'ont pas le temps de l'aider à ranger sa chambre
- la balade en forêt


le momentum de commencer de l'analyse de pratique avec le démarrage de recevoir des personnes en consultations psy, ça fait que je me retrouve à injecter de la clinique dans cette proximité intriguante;
l'autre soir on s'est comme réveillé du spectacle de la rue avec ma collègue, on aurait pu rester là assises avec les zonards - comme on se fond.

puis aussi, je lis le blog de tanxx qui elle traîne de manière non professionnelle au milieu des gus de la rue, et je me demande si une fois que je ferai autre chose que ce boulot dans ma vie, j'aurai cette aisance à aller vers sans blaze associatif ou quoi. ça protège quand même, les vestes et le café dans le sac.

bref, la clinique de rue façon camille:
je tricote autour du concept du consentement, le champ des possibles (affirmer ou refuser ouvre des chemins, que la survie quotidienne ne permet pas)
et récemment la prudence (contre l'urgence mais pas que.), la prudence comme un seuil à ne pas franchir, comme un effleurement ; loin des injonctions soudaines brutes qui claquent et font du bruit- ce n'est pas de la douceur, et il y a comme un hochement de tête respectueux offert à l'autre, c'est tout.
aller vers ok, mais la chorégraphie ne se fait pas seul·e.

et du coup ce truc dont on discutait avec q. hier soir, j'imagine que c'est ce qui se nomme "care" en certains endroits, une mise en oeuvre pratique des idéaux politiques anars anti-autoritaire, où il ne faut pas être l'exception, "vous avez bon coeur, vous irez au paradis" - c'est dingue qu'être sympa ce soit un acte politique quand même.

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[...]

à côté l'image de cette plaie chez ce monsieur grognon, la moitié du mollet sans peau et il gratte avec ses clés
son appart a brûlé ce week-end, mais il a toujours les clés pour gratter sa plaie
polytox, personne ne veut / peut le soigner, la blessure est trouée jusqu'à l'os
avec les 200 balles qu'un proche lui a filé pour se débarrasser de lui, il comptait aller à marseille, s'est retrouvé à belfort et a ré-atteri à **.

on a fini la maraude avec la rencontre d'un tailleur de pierre napolitain, en procédure d'expulsion; il rechargeait son téléphone à la gare car l'électricité est coupée chez lui: quand on a que le toit sur la tête, sans la télé, la musique, etc.. qu'on se retrouve seul enfermé, c'est le moment où les barres se mettent sur les t et les points sur les i
sa mère est morte il y a peu.
il était content qu'on s'arrête pour discuter (l'écouter)
en avril le jour de son anniversaire il s'est retrouvé en garde à vue pendant 28h parce qu'il se promenait dans son quartier avec un sabre; quelqu'un avait volé un de ses chats (il recueille tous les chats du quartier)
il avait 17 ans quand son grand frère est décédé.
il nous montre une cicatrice à la gorge et raconte que son agresseur a failli s'évanouir en voyant le sang gicler
y'a une dizaine d'années, dans un foyer 115, il faisait régner l'ordre par la terreur.
& cie.

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(au travail, j'ai fait la mise en page d'une *feuille de route* pour l'accompagnement social mobile de rue, à destination des personnes accompagnées (écrire aussi sur le style du travail social à l'aune du principe de non-abandon) - dans *la feuille de route* j'ai ajouté une double page blanche, où j'ai écrit en gros à la main en orange : Une pause)

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j'ai pleuré ce matin en regardant halt & catch fire (et mardi matin en sortant de chez le médecin sans prescription d'anti-douleur) et du coup à fleur de peau ensuite j'ai pleuré chez le superviseur.
c'est chouette de mettre au travail ses ressentis, ses idées-intuitions; puis il me rassure.
j'ai souri quand il a répété qu'il y a bcp de pulsion de mort dans ma clinique car la dernière fois q. avait dit que je glissais dessus - l'archaïque peut-être ne me fait pas peur pareillement.

j'ai commencé la séance en disant
_ je ne sais pas à quoi je suis payée
puis j'ai balbutié des trucs sur le soap opéra sous consos qu'est la zone. (j'ai oublié de dire des tas de trucs, de détails (attentive))
et il a dit que quand il m'écoutait parler au début, il ne savait pas pourquoi mais il pensait à l'amour,
_ oui vous êtes touchée car vous tenez à ces personnes que vous voyez mourir doucement
(on parlait du palliatif et de l'attachement donc du deuil)

une nouvelle question : j'accompagne ou je suis témoin ?

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en vacances, je rêve que je reçois m. et je m'aperçois seulement à la fin de l'entretien qu'il a de nouveau des lunettes et tout le monde le félicite avec grande joie. je rêve aussi que je vais à la supervision et je me rends compte en sortant que je n'avais point de rdv.


*les prénoms ont été modifiés

écrits entre le 03/08/21 et le 26/08/11
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