paterson, paterson
1:12:24 la beauté qui s’engouffre en moi m’émerveille et l’intensité de ce que je ressens devant ce film me rend folle, je dois écrire aussi pour libérer la poésie vers d’autres car la garder au creux des coeurs secrets ne fait que renforcer la solitude à la source des mots. paterson, le soupire face à l’écran blanc ouvert, la virgule qui attend patiemment la suite, paterson, paterson. au cinéma, en décembre dernier, je me souviens de mon désir de prendre des notes en regardant ce film mais les salles obscures et la proximité des autruis spectateurs et ma timidité et la peur de faire du bruit en crayonnant sur un carnet (qui de toute façon était absent de mon sac); j’ai englouti la poésie du film sans pause et aujourd’hui, voilà depuis 7:35 ce matin que je picore tranquillement avec mon café devenu froid l’offrande de Jarmusch. paterson, je prends des screenshots de tous ses plans, je photographie avec windows+Impr.écran des bouts de pellicule pour la mémoire.
j’écrivais en décembre: “ et sinon, j’adore les transports en commun et la poésie de quotidien j’aime les agencements des silences et des virgules j’avais peur qu’il arrive quelque chose, un rebondissement mais non. juste des poèmes. c’est déjà formidable j’adorerai discuter poésie dans la rue avec des inconnus.” et aujourd’hui je tente de discuter poésie avec des inconnus dans les rues virtuelles. - - - paterson, Paterson me rappelle avec tendresse Atlanta.
j’écrivais en décembre: “ et la douceur du couple, la tendresse sensuelle qui permet d’élipser le sexe les yeux rieurs et amoureux et confiants face aux folies de l’aimé même si ça le rend bizarre, c’est lui - c’est important de laisser à l’autre la possibilité d’être tordu à sa façon.”
j’écrivais en février: “ Ça commence par une scène d’amour tendre, néanmoins mélancolique car chacun traîne son malheur incombé et essaie de l’oublier en l’autre, en étant parfois sourd au malheur incombé de l’autre. - mais dans le malheur sourd, un effort pour retrouver l’autre illumine de beauté les relations humaines” et je concluais: “on ne parle jamais assez d’amour et je pense à ma tentative échouée d’écriture sur steven universe où j’y inscrivais que Svetlana Aleksiévitch conclut son discours à la Conférence Nobel par Mais de nos jours, il est difficile de parle d’amour.”
paterson, paterson, Paterson conduit des bus et écoute les passants raconter des histoires diverses et ses yeux brillent. Citadine de centre-ville depuis toujours, je m’extasie à l’idée de détenir pour la première fois une carte de bus à la rentrée. Je possède plutôt l’habitude des trains et des gares, les arrêts de bus sont encore mystérieux pour mon regard.
depuis quelques semaines, je construis un album photo ainsi qu’une playlist de vidéo intutilées promenades, ce sont des micros voyages dehors, souvent vers l’agglomération et les banlieux ou bien parfois à la campagne.
il est 10:22, l’heure de reprendre le film et continuer à boire mon café froid. - - - il est 11:19 et le film est à 1:23:42
Paterson condense tellement de petites choses, il y a des liaisons thématiques historiques un peu partout: le film s’ouvre sur le rêve de Laura, un rêve de maternité du double (twins) le film s’ouvre sur le chevet du lit où trône trois photographies : un couple de vieillard (ses parents ?) et le chien, bouledogue insupportable, qui amène dans la maison conjugale une relation triangulaire étrange — son fauteuil est d’ailleurs un des seuls mobiliers à arborer une teinture colorée, ni noire ni blanche. peut-être quatre photographies : il y a aussi Paterson en costume militaire, et là, il vient d’effectuer une prise de désarmement face à l’acteur tragédique, le Roméo du bar. et finalement, il y a un événement pendant cette semaine du quotidien autre que le rêve de maternité qui débute l’histoire: le bus tombe en panne, une panne électrique qui aurait pu le transformer en boule de feu explosive. après, Laura joue de la guitare Harlequin, le bouledogue interrompt la pensée sans doute poétique de Paterson et on va au bar et Roméo joue l’acte suicidaire. j’aime bien le cinéma quand il permet de ressentir les émotions des personnages; ici, une fresque fantastique où Paterson observe de nombreux échos, des liaisons thématiques: le double illustré par des passants jumeaux ou ressemblant comme deux gouttes d’eau, le poème water falls et la peinture des waterfalls de Paterson accrochée au mur, quelle étrangeté à nommer son personnage et sa ville du même nom. et quel nom, paterson, paterson. il est 11:27, l’heure de re-reprendre le film et cette fois j’espère le terminer sans pause ou écart sporadique.