hello, voyager

au coin d’un feu de camp près d’un arbre dans un endroit de petite campagne d’angleterre un inconnu baroudeur s’asseoit. en face de lui, des types à l’allure étrange : noeud papillon et grosses gaudilles, noir et surface de velours, des trous dans le pantalon, peut-être un chapeau. la femme, pareil, une patti smith déchue encore plus et une voix des profondeurs cosmiques

ils racontent quelque chose
hello, voyager
dans la nuit qui tombe au fur et à mesure que les instruments assombrissent leurs sons
c’est une ballade folk-gothique dans la nature au début de sa civilisation
l’ambiance est inquiétante, remplace les éclairs absents du ciel orageux ; pourtant, très étrangement, je me sens rassurée. la cacophonie ne résonne pas dans l’air mais dans mon corps ; les étoiles riment entre elles, les mots scintillent.
une jolie et vieille semelle en bois tape du pied en rythme, la poussière s’accroche à la sueur des visages, illuminés par le feu dansant.
i’ll be lucky too
au crépuscule du noir, un hymne funèbre languissant se fait entendre, tout le monde se taît et observe le grincement en silence (for the lil’ dudes)
la fumée d’une cigarette plus tard, le chant de la femme recommence à occuper l’imaginaire de chacun, son murmure s’envole : i close my eyes and you come right to me, lala la lala
TRUTH IS DARK LIKE OUTER SPACE
peut-être qu’une comète vient de traverser le ciel ; déchaînement de l’harmonie, ode au bruit énervé musical.
- partis s’abriter dans une caverne sous-marine où l’écho forme une bulle pour créer une tentative de prière païenne avec les tremblements-ricochets du lieu. la voix et ses échos s’embrasent dans les aïgues tandis que la corde tapée de la guitare fonde une base sourde. encore une fois, dans tout ce fracas sans limite des sons, je me sens rassurée, quelque chose me protège et m’apaise. Mes sens sont alertes et reposés.
la corde gronde toujours, the frozen dress
la régularité éphémère est retrouvée un instant mais le clavier tente de se libérer - le violon arrive ! un autre lyrisme religieux et triste s’insère dans la trame du soir. never you must cross it out never every time you see the word never you must cross it out cross it out never
même le sifflement prend le temps de se finir dans une mélancolie douce

Hello, Voyager!
les instruments se présentent, le chaos est né. personne ne s’entend mais tout le monde s’écoute (ou l’inverse); les sons ont la physiques des aimants.
YOU ARE WITH US NOW
voici enfin l’heure de vérité, tu es encore là.
Yes, we can look upon the dark sky of day and say: I never was who I seemed to be.

(laissons le poids des mots faire effet)
(...)

(...)

(...)

(I never was who I seemed to be.)

(...)
Jamais the word Love n’a été crié ainsi. La voix est tellement puissante dans sa colère. This is me ! Je reste ébahie devant la folle violence des mots, de l’intonation, du bruit, du dire, du parlé, les cris répétés : can you say it with me ? certes éloignée par la splendeur du spectacle, je me sens proche d’elle, la femme qui s’expose avec tant de hargne et d’amour.

Je me lève en silence, récupère mes affaires près du feu de camp et les remercie d’un hochement de tête de m’avoir laissé entrer dans leur monde avec autant honnêteté.

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