On met le ventilateur dans la chambre pour regarder des films - par exemple Le meraviglie d'Alice Rohrwacher, petite merveille - et le collage accroché au mur se cogne contre lui avec le vent et le bruit me dérange. Maintenant, quand je suis couchée sur le côté, il y a ce regard qui me perce et cette laine épaisse qui semble en 3d.
l'autre matin, ou bien était-ce la nuit, je regardais les araignées du coin de la fenêtre au dessus de mon pc en tentant de finaliser mon texte pour la revue outsider, ce sont des faucheuses qui protègent des moustiques mais elles commencent à investir l'appartement et quand je suis épuisée mes défenses face à la poussière et aux insectes qui traînent s'écroulent, je les ai délogé.
ce mois-ci, j'ai fini un zine entamé il y a quelques mois, retrouvé dans un tiroir en rangeant (action inexorable) mon bureau, j'en suis très contente. Il existe en version en ligne par ici, j'aime bien l'opacité réduite du css de girl moss. Un autre zine a été débuté et rangé dans le tiroir.
Il n'y a pas grand chose dans mes notules à part des tentatives d'inscrire des deuils partagés à répétition:
j'ai des pensées gluantes qui ne veulent pas me quitter, elles tournent elles tournent - le psychiatre en vacances ne peut pas faire tampon avant la supervision pour absorber la détresse, je suis une flaque dans le bureau à la lumière jaune, je regarde à peine le superviseur, je triture avec attention le morceau de tissu recroquevillée en moi-même, absente, je ne dis pas que j'ai peur, peut-être honte, de retourner au parking du supermarché si C. meurt car les autres attendent de nous qu'on le sauve. le superviseur se demande s'il est possible d'accompagner au deuil alors qu'on est soit même endeuillé quand je lui parle de ce collectif sans nom (lequel demande-t-il face à mon imprécision poreuse: la zone, les collègues, autre chose?) - je cherche un parallèle avec les soins palliatifs à l'hôpital mais les patients qui y meurent ne se côtoient pas entre eux, ou très peu, il n'y a pas ce territoire accidenté et continu
je murmure entre mes larmes que je ne suis pas prête
le superviseur questionne la particuliarité du lien créé avec C.: est-ce qu'il vous fait penser à quelqu'un d'autre ? non. je hausse les épaules, c'est juste un chouette type
je n'arrive pas à élaborer à cet instant, il fait chaud, c'est l'heure des menstrues, je suis épuisée, [...]
je pense que le superviseur veut me fait parler d'amour mais je suis toute embourbée foggy. je lui parle du comité des morts de la rue, que ce serait un outil précieux et que les enterrements des indigents sont bien trop impersonnels. je n'ai pas le temps de lui parler de mon envie de préparer une projection du documentaire Ici je vais pas mourir après cet échange où je lui offre une belle scansion
- Du coup j'ai écouté les béruriers noirs en rentrant des obsèques de T.
- Quel morceau ?
- Vivre libre ou mourir
en réglant les trucs de fin de séance, il tergiverse sur la liberté, l'aliénation mais il voit que je suis en incapacité d'accéder à des formes de pensées complexes et semble s'en excuser. sur le vélo du retour, je suis frustrée car il y a tant encore à élaborer et si peu d'espace où le faire sans être seule et démunie.
& sinon, j'explore des traces - des boucles